Je me revois, l'ongle rouge, orteils bagués, à branler la verge fripée de S, par la vitre un paysage désolé de sable et de grues, la seine laquée grise quasi immobile. J'avais alors près de quarante ans et S m'avait levée d'entre les feuilles d'une revue x dans laquelle, épuisée de solitude, nécessité de déchirer le masque, j'avais des clichés travestis pris par mon épouse.
Il m'avait levée d'une lettre courtoise, le présentant aisé et fétichiste des pieds, et d'un chèque dont le montant m'avait littéralement fascinée. Après de nombreux renoncements dûs à des scrupules, j'avais fini par me rendre à son invitation pour un thé, un dimanche après midi, ne doutant pourtant pas de ce qui s'y passerait.
La porte refermée, il m'avait indiqué où finir mon travesti. J'étais vite revenue, la jambe gainée de résille, le corps enveloppé d'une guêpière de soie et d'une robe vaporeuse, l'une et l'autre achetées avec partie de son chèque.
S a le crâne raturé de rares cheveux noirs, le regard noir et un nez rapace. Il est beau, je le trouve beau et racé, conforme à l'homme auquel je souhaite céder. Il m'enlace doucement, me dirige vers la table sur laquelle, nappe blanche, service à thé, théière fumant. Je m'assieds, intimidée par son sourire, l'expression métallique de son visage. Il commence de servir, s'interrompt, demande que je me déchausse. Ce que je fais, ôtant l'escarpin vieillot acheté aux Puces de Montreuil. Il repose la théière, s'approche, se penche, se saisit de mon pied pour le porter à son nez, ses lèvres. Je suis sidérée par le geste, dépossédée de toute pensée, émue juste
affreusement.
Je me rappelle le plaisir qui me surprend et me vide. L'horreur alors qui me revient de la scène et ce que nous avons fait. Je me retiens pour ne pas filer aussitôt, me promet de ne plus céder jamais. D'avoir cette force. De devoir cette force à celle qui m'accompagne, m'a accompagnée dans la vie malgré de nombreuses déchirures.
Quelques semaines auront "raison" de mon être corrompu. A peine sept semaines, avant que j'y retourne en pleine connaissance de situation, sans cette fois pouvoir feindre une curiosité sans plus.
Je revois l'ongle rouge, les orteils bagués, le petit perlé d'un rubis (un cadeau cette fois) roulant sur la verge maigre et vigoureuse néanmoins, son visage arrimé au mien, sa bouche mince, cruelle comme on dit de ces bouches minces, me cinglant à mots crus, obscénités bien senties, moi les réclamant comme eau vive, traces de mon statut nouveau, de ma saleté.
vendredi 22 février 2008
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