vendredi 29 février 2008

Perdue


Je connais les censeurs, j'en croisais plein en ce temps-là. Les moues dégoûtées, les regards qui se détournent, les mots soufflés à la face, je connais. Le courage m'est venu tard de les dépasser.
S marche à mes côtés dans les rues assoupies de N un dimanche après-midi. Le prétexte pour venir chez lui est toujours le même, prendre le thé. Alors, je viens prendre le thé chez lui de plus en plus souvent, de plus en plus longtemps.
Tu dois vraiment rentrer ? il demande cette fois-là, tandis que nous longeons les rives de Seine.
Oui je réponds comme chaque fois.
Quel dommage! il dit encore, touchant vite le haut de mes cuisses, les immeubles occupés à digérer le déjeuner.
Une petite heure. Il reste une petite heure. Après, ce serait louche, aménerait des questions chez moi.
Une heure, à peine. Il me connaît bien, comme je le connais bien. Il sait ce qui. Comme je sais ce qui.
La sandale ôtée. Le bas blond roulé. Mon pied sur son. Mou, moite. Sensation de fouler la boue.
Son sourire qui m'épingle toujours par l'image qu'il me renvoie de moi. Sa main qui fouille mes dentelles, sourire accentué. Sa main qui me trouve.
J'ai perdu pour bonne part timidité et pudeur. Parfois, je me surprends même à être vulgaire.
Le "chéri" que j'ajoute à son prénom ou petit nom sonne incongru toujours à mes oreilles. Je m'abandonne à sa main, concentrée sur mon pied.
Ferme les yeux. Appelle sa bouche.
Pied trempé, je patauge dans son, obéis à sa main. Bouche mouillée, je réponds à ses doigts, m'y soumets. Je pourrais déprimer, mais je sais désormais que j'aurai vite envie de nouveau.
Envie de me montrer à lui, envie de sentir sa force, envie de son empreinte, envie d'être telle qu'il m'envisage et me traite.

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